
Menée par son skipper, l’équipe de France est dans les startingblocks. Chef d’orchestre du bateau français, à 33 ans Quentin Delapierre donne le rythme des manœuvres et des modes de navigation. La qualité des départs repose sur lui. Une fois le F50 lancé, les responsabilités sont réparties entre les rôles de chacun des 6 équipiers.
Pour arriver à ce niveau, quel est votre truc en plus ?
A ces niveaux-là la différence ne se fait plus sur les aspects techniques, mais essentiellement sur les capacités mentales à déployer le meilleur jeu. On travaille beaucoup sur nos mécanismes mentaux pour se mettre en condition au bon moment, être capable de sortir tout ce qu’on a appris pour essayer de gagner chaque grand prix.
Faites-vous des exercices de méditation ?
Je travaille beaucoup en sophrologie, en imagerie. J’essaye de dérouler mon plan parfait en fonction du contexte de vent et de l’état de mer. Pendant la manche, je me surprends à avoir des automatismes me permettant de faire appel à mes sensations et de les exacerber pour réadapter ce plan en fonction de la rotation et l’intensité changeante du vent, d’un état de mer différent, d’un adversaire que je n’avais pas anticipé. La sophro me permet aussi de descendre mes vibrations. Plus j’arrive à ralentir mon rythme cardiaque et avoir de l’influx avec une vibration très basse, plus je me sens fort et déterminé. J’essaie d’entrer dans cet état avant chaque manche.
Avez-vous une source d’inspiration dans la voile ou ailleurs ?
Mon inspiration est venue tout jeune de Sir Ben Ainslie, un anglais aux cinq médailles olympiques dont quatre en or, le plus grand athlète de notre sport. Et de Kylian Mbappé, un athlète hors normes qui m’inspire par ses convictions. Très jeune, il savait exactement où il voulait aller et le disait haut et fort. Il l’assumait dans ses succès comme dans ses revers. Ce n’est pas une attitude facile à tenir. En exprimant ses ambitions, on s’expose.
Heureux que Kylian Mbappé soit le nouveau propriétaire de la Team France ?
C’est un honneur de l’avoir à nos côtés. Porter les couleurs de son association Inspired by Kylian Mbappé et pouvoir faire découvrir notre environnement à tous les enfants de l’association, d’autant plus sur un circuit à la pointe de notre sport comme SailGP, est une chance. Je suis très respectueux des personnes qui mettent tout en œuvre pour vivre leur rêve. Kylian en est un exemple incroyable. C’est aussi une mise en lumière de la voile fabuleuse.
Quelles sont les spécificités du F50 ?
C’est un des bateaux les plus rapides du monde, techniquement très difficile. Les interfaces électroniques contrôlent les vérins hydrauliques qui font bouger la structure du bateau. C’est nouveau dans notre sport. On a toujours contrôlé les bateaux avec des bouts et des winches. C’est révolu. Il faut faire appel à notre savoir-faire de marin avec un feeling complètement différent et s’adapter. On se surprend à devoir lire des modes d’emploi de plus de 100 pages ressemblant à des modes d’emploi industriel.
Toute cette technologie où la force physique n’est plus le seul critère, permet d’ouvrir la voile de haut niveau aux femmes. Vous avez une femme à bord grâce au quota imposé ?
C’est une vraie perspective pour les femmes d’avoir réussi à mettre de côté cet aspect physique. Sur le F50, en mettant toute sa détermination pour apprendre vite et bien, on peut faire appel à ce qui est la finalité de la voile, notre sens de régatier et jouer aux échecs sur un bateau qui va à 100 km/h.
Votre record est à 99,94 km/h. Pourrez-vous aller au-delà sur le circuit de Saint-Tropez ?
On l’espère si la configuration high speed est donnée pour le Grand Prix de Saint-Tropez, il y aura une chance. C’est une recette assez subtile, une mer plate, du vent très fort et la configuration optimale sur le bateau avec la petite aile de 18 mètres et les foils les plus petits possibles pour diminuer la traînée dans l’eau.
Que pensez-vous du circuit de Saint-Tropez ?
C’est un de mes grands prix préférés, pas seulement parce qu’il est en France, je mesure la chance qu’on a de naviguer à Saint-Tropez, un lieu emblématique. C’est extraordinaire de régater devant le clocher et les fans français. Par contre Saint-Tropez, c’est tout ou rien. S’il n’y a pas beaucoup de vent on navigue à la méditerranéenne, anticipant une rafale là où elle n’existe pas encore, et il faut savoir changer d’état d’esprit et s’adapter en quelques heures quand un vent fort se lève d’un coup.
Vous auriez une anecdote à me raconter ?
Celle qui a marqué l’histoire de notre équipe et nos supporters quand on a gagné toutes les manches à Sydney. On a passé la ligne d’arrivée et dans la joie du moment, j’ai crié la clean sheet frérot, en désignant tous mes équipiers. En voile la clean Sheet signifie qu’on n’a laissé aucune manche à la concurrence. C’est assez rare, ça nous a soudés.
Si on les interrogeait, que diraient de vous vos équipiers ?
C’est une excellente question… il faudra leur demander ! (rires)
Où vous voyez-vous dans dix ans ?
Dans dix ans, je pense que je serai papa. J’espère que je serai marié, encore à la tête de cette équipe, peut-être avec des responsabilités supplémentaires et en ayant trois ou quatre championnats de Sail GP au compteur.
Qu’est-ce qui vous rend heureux ?
Ma famille, mes amis, naviguer sur un F50. Chaque fois que je navigue sur ce bateau, j’ai un rictus que je ne peux pas cacher. Et la gagne. Chaque fois que je gagne, ça me procure une sensation et une adrénaline que je n’ai connue nulle part ailleurs.
On espère voir ce sourire de la gagne de nombreuses fois et particulièrement à Saint-Tropez.
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